Ibrahima Konaté, lors de la rencontre face à l'Autriche le 10 juin lors de la Ligue des Nations.Christian Hofer/Getty Images

EXCLU GOAL - Parents, éducations, frères, agents... Ibrahima Konaté se confie sur sa gestion de carrière

Mercredi 9 novembre, aux alentours de 20 heures, Ibrahima Konaté était seul chez lui à Liverpool pour découvrir si son nom figurait bien dans la liste des 25 (puis 26 quelques jours plus tard). Pour compenser l’absence des membres de sa famille qui jouent un rôle essentiel dans sa vie, le défenseur international (2 sélections) a pu vivre l’annonce avec eux via FaceTime (appel visio) et faire partager sa joie d’aller à la Coupe du monde. « Un moment exceptionnel, inoubliable mais je l’ai vécu seul », regrette-t-il. Alors qu’il devrait démarrer ce mardi soir le premier match des Bleus contre l’Australie, « Ibou » nous plonge dans l’intimité familiale et raconte le rôle de ses parents et ses frères dans sa progression et la gestion de sa carrière de Sochaux à Liverpool en passant par Leipzig. Et désormais, la sélection tricolore.

La famille occupe une place importante dans votre vie. Commençons par vos parents, en quoi vous ont-ils aidé à en arriver là ?
C’est l’éducation qu’ils m’ont donnée. Et quand je parle d’éducation, je parle de la base. C’est comme un bâtiment, si les fondations ne sont pas solides et bien tout s’écroule. Cette éducation, elle te sert à tous les niveaux de ta vie que ce soit à l’école, dans le travail et avec les gens. Ne pas tricher, ne pas mentir, faire les choses à 100%, respecter tout le monde. Ce sont des choses qui font que les gens t’apprécient, les entraîneurs, les enseignants et qu’ils t’aident à t’élever, à avoir de l’assurance pour progresser plus.

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En quoi l’éducation, concrètement, vous a aidé jusque-là ? 
Je vais raconter une anecdote. Un jour au centre de formation, Eric Hély (ancien directeur du centre de formation de Sochaux et entraîneur des équipes de jeunes, aujourd'hui en charge des U19 de l'Olympique lyonnais) me convoque. Je lui demande si j’ai fait une bêtise et il me répond que non, mais il voulait me parler d’un jeune du centre de formation, dont il avait l’impression qu’il ne sentait pas trop intégré. Il faisait plusieurs têtes de moins que moi, il était tout petit. Et lorsque Eric Hély lui a demandé qui étaient ses amis au centre, il a donné mon nom et ça l’a surpris. Quand il m’a convoqué, je lui ai dit que je parlais avec tout le monde, que je ne faisais pas de différence. Il n’a pas voulu me le dire mais j’ai vu dans son regard qu’il était fier de moi et derrière ça a facilité beaucoup de choses avec lui. Il m’entraînait, me donnait des conseils, me mettait capitaine et parlait de moi au coach des pros. C’est un des exemples où mon éducation m’a aidé. 

« Beaucoup de parents n’arrivent pas à faire la différence entre le plaisir de leur enfant et leur plaisir à eux… »

Vos parents se sont toujours maintenus à bonne distance du football…
Franchement mes parents s’en moquent. Ce sont plus mes frères qui s’occupent de ce qu’il se passe autour de moi dans le football. Mes parents ne savent pas combien je gagne. Ils sont vraiment à distance. Eux, ils regardent mes matchs, ils m’appellent, ils me demandent comment je vais. Mon père me dit toujours : « travaille bien, ne te prends pas la tête avec les gens ». Et ma mère me demande souvent si je n’ai pas de bobo, c’est son côté protectrice. 

Cela vous a aidé de ne pas avoir de pression familiale très jeune et de pouvoir garder le plaisir de jouer au football ? 
Bien sûr que cela m’a aidé. Aujourd’hui, il y a beaucoup de parents qui n’arrivent pas à faire la différence entre le plaisir de leur enfant et leur plaisir à eux. Ils voient des joueurs qui ont réussi à se faire un nom et pensent que tout le monde peut le faire mais ça ne se passe pas comme ça. Il y a beaucoup de travail et de sacrifices avant d’en arriver là. Et avant toute chose, il faut que ce soit un plaisir pour le jeune parce que le métier de footballeur ce n’est pas qu’un plaisir. C’est un métier avec des hauts et des bas, des difficultés, des pressions.

Quand l’opportunité de rentrer en centre de formation s’est présentée, vos parents vous ont tout de même aidé ?
Ma mère ne savait pas ce qu’était un centre de formation. Quand on lui a expliqué que Sochaux me voulait et que le club était prêt à faire signer, elle a dit non. Elle voulait me garder auprès d’elle. Après, on a discuté et on est parti visiter. En réalité, ce qui lui tenait à cœur, ce sont les infrastructures. Quand on est arrivé là-bas, on a visité l’école, on nous a décrit comment cela se passait, que l’on était peu en classe et que c’était un point important pour les éducateurs. Elle a fini par accepter parce que l’école c’était un point très important pour elle. 

Aujourd’hui, ce sont vos frères qui accompagnent votre carrière. Pourquoi ce choix ?
Ils sont là depuis que j’ai commencé le football. Plus tu grandis et que tu passes des étapes dans le football, plus tu te rends compte qu’il y a beaucoup de personnes qui essaient de venir autour de toi. Parfois, tu fais le bilan et tu réalises que les personnes qui sont autour de toi ont un intérêt personnel. Eux, veulent mon bien et ce sont les seules personnes à qui je peux faire confiance. 

« C’est comme un puzzle, une fois que j’ai réuni tous les points de vue de chacun, je vois les choses plus clairement »

Il y a toujours eu une approche bienveillante ? 
Oui. J’ai plusieurs frères et chacun a une vision différente, chacun apporte son point de vue sur certains sujets et au final, la décision me revient. Ce sont des personnes honnêtes envers elle. Par exemple, j’ai un de mes frères qui a la licence d’agent et il aurait pu me représenter. Mais pourquoi ne s’occupe-t-il pas de moi ? Car il sait qu’aujourd’hui il n’a pas forcément la capacité nécessaire pour s’occuper de moi, au vu du joueur que je suis. Et ça il l’accepte ! A partir du moment où il l’accepte, c’est qu’il n’y a pas d’animosité et c’est magnifique. 

Un jour l’un de vos frères vous a présenté l’un de ses amis (Souleymane Doukara, passé par Catane et Leeds), qui est footballeur et n’a pas eu la chance de faire de centre de formation…

Je l’ai rencontré quelques années avant d’entrer au centre de formation de Sochaux. Il m’avait tenu ce discours : « le football, il n’y a pas de cadeau (il mime en tapant du poing dans sa main), tu dois tout donner aux entraînements et ne pas être pour t’amuser comme certaines peuvent l’être ». A ce moment-là, j’étais dans l’hésitation : soit j’allais au centre de formation à 13 ou 14 ans, soit j’attendais 15 ans. Il m’a dit de partir parce qu’il connaissait l’environnement de quartier où il peut y avoir de mauvaises influences et qu’il ne fallait pas que je me perde en cours de route si j’avais l’objectif de devenir footballeur professionnel.

Lorsque vous avez décidé de rejoindre Liverpool, comment vous ont-ils aidé ? 
Quand on a su qu'il y avait Liverpool, on s’est réuni et on a parlé tous ensemble. Ok, il y a Liverpool, il y a Leipzig, qu’est-ce qu’on fait maintenant. Dans notre discussion, on se projette sur les quatre ou cinq prochaines années et chacun donne son idée et son point de vue. Tout le monde dit des choses différentes et personne ne va dire à toi tu as tort. C’est comme un puzzle, une fois que j’ai réuni tous les points de vue de chacun et bien je vois les choses plus clairement. Et la décision est plus facile à prendre mais au final, c’est moi qui prend la décision. 

Et à la fin c’est vraiment vous qui choisissez seul ? 
Oui, c’est toujours moi qui décide. Ça m’arrive de m’isoler. Parfois, j’ai besoin d’une période de réflexion. Mais ce que j’ai réalisé, c’est qu’à partir du moment où les personnes qui sont autour de toi t’aiment et vont te soutenir, il n’y a aucune mauvaise décision. On prend une décision, on y va, on fonce et on fait tout pour que ça se passe bien. Personne ne dit, je te l’avais dit et puis personne ne peut le dire puisque pour l’instant les choix sont cohérents.

Vous collaborez aussi avec des agents, comment s’articule le fonctionnement avec eux ? 
Pourquoi j’ai choisi de travailler avec Stellar ? J’ai aimé dans leur discours : « on veut juste que tu te concentres sur le football. Pour le reste à côté, tu nous envoies un message, on s’en occupe. Tu as besoin d’un nutritionniste, d’un kiné, tout ce dont tu as besoin, tu nous envoies un message ». Ce sont des choses dont on a besoin. Et puis à un certain niveau, des personnes qui ont une crédibilité et de l'expérience ça aide. C’est sûr qu’ils vont mieux négocier qu’une personne qui n’en a aucune et qui sort de nulle part. 

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